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Peindre le silence (en cours)

D’après les fragments de La Niobé d’Eschyle (525- 456 AV J.C).

C’est une histoire à trous, dispersés, recollés. Peindre ces éclats de textes comme les blocs de silences qui les séparent ; se remplir de ces espaces, les laisser résonner fortement dans les corps.
De La Niobé d’Eschyle, il ne nous reste que quelques fragments, parcelles d’histoire qui ont fait couler beaucoup d’encre depuis leur découverte. Une femme est là, muette, inerte. Ses enfants sont morts. Tués par la guerre. Elle est couchée sur eux. On la relève. Elle reste enfermée dans son silence.

"Au départ, il y a la question de la tragédie, de cette langue grecque qui berce l’histoire du théâtre, et d’un imaginaire scénique, que j’ai du mal à faire mien. Je reprends des livres anciens, j’y lis quelques phrases, les reposent, tourne en rond : je n’avance pas vraiment. Un metteur en scène me dit « la vraie, tragédie c’est qu’on ne monte plus de tragédies ; c’est pour ça qu’elles ont maintenant lieu dans nos rues ». Je réfléchis et reprend les livres : Euripide, Eschyle, Sophocle, Aristophane, … ; je les tournent et retournent en espérant y trouver la solution, la porte de sortie vers un imaginaire mien, que je pourrai porter sur un plateau. C’est alors qu’apparaissent ces fragments, quelques morceaux tronqués de La Niobé d’Eschyle, une tragédie perdue qui a fait couler beaucoup d’encre depuis sa découverte. Je me plonge dans les mots comme dans un roman policier ; je remonte le temps.
Niobé, fille de Tantale, dont Leto a ordonné de tuer les 14 enfants, pour la punir de sa vanité, et qui, muette, se pétrifie devant leurs corps sans tombeau. Un corps voilé et muet pendant les ¾ de la pièce. Un ovni théâtral de l’antiquité. Il ne nous en reste que dix fragments - même pas de quoi en faire une page - qui agitent mon corps et ma pensée comme jamais. Des trous, de la roche, de la mythologie : je pars en enquête. Sur la langue, sur les volcans et leurs jets de roches brûlantes, sur les douleurs trop fortes qui se transforment en magma interne, et calcinent les êtres.
Je m’interroge sur le silence, la réalité des corps et des bouches réduites au silence, qui se consument et se pétrifient. Je lis Ovide et ses Métamorphoses, je réfléchis à la métamorphose possible de ces fragments que nous laisse Eschyle. Je cherche des correspondance avec mon intime, ce qui me constitue, et ce qui m’entoure. Je me dis que plutôt que d’apporter des réponses, je vais poser ce matériau tout en questions, pour tenter de trouver ce qui se cache au milieu de ces fragments.
Mon texte s’appuiera donc sur le masculin pour traiter du féminin, dans toute sa complexité. Pour répondre à ce qu’Eschyle a voulu énoncer du masculin, dans toute sa complexité, en s’appuyant sur le féminin.
Et je décide de construire la pièce en empruntant le vocabulaire du peintre, et en respectant les fameux cinq actes de la tragédie, pour parler des deux silences de Niobé qui me semblent importants : celui qui précède le drame, et celui qui le suit, dans l’avènement de la pétrification. »

Sandrine Roche

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> Créations universitaires 2023
2 et 3 mai 2023 à La Criée, Théâtre national de Marseille, avec les étudiants en Arts de la scène de l’Université Aix-Marseille.
8 et 9 juillet 2023 au Théâtre Benno Besson à Yverdon, avec les étudiants des Master Scénographie et Mise en Scène de l’école de La Manufacture, à Lausanne.